lundi 25 août 2008

Un peu de poésie pour le cœur…

Parce qu’il n’existe pas encore de remède aux sombres nouvelles que nous recevons de France, il est toujours bon de se ressourcer avec ses amis autour d’un peu de poésie. Je vous offre les deux avec ces très jolis textes écrits par mon ami Aloïs.

Niko

Mon année béninoise prend fin.
Je dois l’expliquer à mon ami mécanicien voisin Romain. Il me demande souvent de l’argent pour manger. Si je ne lui dis pas d’aller demander à son patron, il aurait mal au ventre fin juillet. Alors je prends une feuille et commence à tracer des lignes verticales et des lignes horizontales. Je place les jours de la semaine et les dates. Je m’arrête au 20 du mois de juillet puis je commence à égrainer les jours qu’il me reste sur ce continent. 1, 2, 3 … Romain, compte avec moi. 11, 12, 13, 14. Ses yeux quittent la feuille et me regardent. Je suis content il a compris. Son regard me transperce. Il vient de comprendre ce que je n’avais pas compris. Romain c’est mon voisin. Il est apprenti depuis deux ans chez un patron mauvais. Le patron habite en face de chez moi. Deux chambres. A l’entrée à droite, une tôle posée contre le mur. Dessous c’est l’univers de Romain : son placard, sa cachette. Comme une souris, Romain s’accroupit dans l’encadrement de la porte et plonge la main sous la tôle. Les yeux dans le vague, il est chez lui.

Aloïs Richard




Je vous emmène acheter le pain
Je tourne la clé et la journée commence. Il est 7h30. Baillant, Romain balaye devant l’atelier. Mon sourire n’est que l’écho du sien. Je tourne à gauche. Les yeux rivés sur mes sandales. Je contourne la flaque. A gauche, je salue un vieux qui est torse nu. Sourire en place, athlétique. Debout devant son banc, il se lave les dents avec ce fameux bâton. Il me salue de manière très respectueuse et s’assure que tout va bien pour moi avec cette question : « Et dans l’ensemble ? ». J’aime cette expression d’une troublante globalité. Elle veut juste dire que celui qui la pose se soucie de toi. C’est déjà bien. Ensuite je tourne à droite. Déjà plus de circulation. Je suis les traces de pneus dans le sable mouillé. C’est par là que je me tremperai le moins les pieds. Je me fais klaxonner par les motos. C’est le dilemme. Soit je marche dans les traces et je me fais klaxonné car je suis sur la route, soit je marche dans le sable à côté qui n’est pas tassé. La deuxième option demande plus d’efforts à chaque pas et empêche d’être pressé. A droite je salue une dame. Sa brosse à dents dans le coin de la bouche, elle prépare son étalage. « Ca va ? » Elle me répond comme chaque matin, joignant ces mains et avec un petit hochement de tête.

Après on sourit et on rigole. On sourit car on a rien d’autre à se dire. On rigole car on le sait. Je ne veux pas griller cette salutation. Ah oui : le pain. Je lui lance un « Ca fait à tout à l’heure ». Déjà 300 mètres et le sourire commence à prendre le dessus sur le réveil. Les nuages sont blancs et moutonneux. Sans trop me mouiller, je me prédis intimement qu’il va pleuvoir aujourd’hui. Je croise une bande de frères et sœurs qui vont à l’école. Tous en uniforme, la grande sœur tient son petit frère par main. Lui, captivé par quelque chose qui est bien sûr derrière, il tourne la tête. Elle, comme une véritable maman, elle le tracte dans les VONS, évite les zems. Les zemidjans sillonnent les VONS à la recherche de clients. Les plus agréables te font signent de la main, ensuite ceux qui émettent un sifflement perçant, celui qui commande au regard de savoir de quoi il s’agit et pour finir, les plus énervants, les vulgaires, ce qu’on a pas envie de croiser, les klaxonneurs. Ils klaxonnent jusqu’à que tu leur fassent comprendre que tu n’as pas besoin de leur service. Avec tout ça, je suis arrivé au pavé. Là je tourne à gauche, il ne me reste plus que 100 mètres. Un 4x4 passe comme beaucoup d’autres. Un monsieur en costard dedans qui à l’air de devoir sauver le monde. Il semble avoir des préoccupations bien plus importantes que la moindre personne de mon quartier. Ses pneus trop larges font un bruit reconnaissable sur le pavé. La vendeuse me demande le nombre de pain que je veux par l’efficace : « Combien ? ». Je réponds trois avec la bouche et les doigts. La première addition de la journée est douloureuse. Normalement c’est 110 CFA le pain mais elle essaye de me faire payer 125 CFA. Donc si je réponds le premier se sera 330, sinon ce sera 375. En plus il faut ajouter les 130 parce qu’elle n’avait pas de monnaie hier. Pour finir, si je donne 500 je n’aurais plus de monnaie donc il faut essayer de faire passer un billet de 1000. Elle met le pain dans un sachet plastique. Tous les jours, j’ai droit au sachet. Bon, je suis écolo plus que certains et bien moins que d’autres. J’essaie d’éviter ce sachet. J’ai appris qu’il s’agissait de croyances animistes. Si il n’y a pas de sachet, quelqu’un pourrait jeter un sort à mon pain sur le chemin du retour. Je dis rien et je n’en pense pas plus ! Je prends ma monnaie et mon sachet en pensant encore une fois à ses esprits et ses sorts. Soit ils me font rire, soit ils m’exaspèrent. Sur le chemin du retour, le soleil est haut. Il est à gauche. Je suis les écoliers. Tout le monde regarde mon pain se balancer. Heureusement que j’ai mon sachet. Ceux que je soupçonne de ne pas être initiés aux « sorts sur pain », je pense qu’ils veulent connaître les habituelles alimentaires d’un blanc. C’est toujours ça de prit. En cinq minutes tout à explosé. J’ai l’impression que tout le monde est sorti. Je suis peut être un peu mieux réveillé. Je tourne dans ma VONS. Je salue le vulcanisateur de la main. Il me répond d’un signe de tête, il attend accroupi la première crevaison de la journée. Romain a fini de bailler. Je m’apprête à mettre la clé dans la serrure et j’aperçois une vendeuse ambulante. Elle passe dans les VONS et crie régulièrement pour annoncer ce qu’elle vend. Un peu comme le faisait ¬les aiguiseurs de couteau. Cette femme porte sur sa tête du pain.

Aloïs Richard

2 commentaires:

Tintus a dit…

Bonjour, avez-vous toujours les coordonnées de Roland Gry le pilote ULM que je vois sur vos belles photos? Merci. Mon email: cadore2006@yahoo.fr

Niko et Raf a dit…

Bonjour !

Je crois bien que Roland est parti pour la Cote d'Ivoire mais je ne sais pas s'il ne va pas revenir au bénin...
Je vais demander à Niko et je vous tiens au courant !
A bientot